Carnet de route

Galette des Rois à Saint-Jurs

Le 11/01/2021 par TROTIGNON Laurent

Galette des Rois à Saint Jurs

La rareté des choses fait leur prix, dit-on …, alors que les plus précieuses n’en ont pas, dit-on également. A plusieurs titres, cette sortie vers le plateau de Valensole peut être classée dans ces deux catégories : une respiration rare mais essentielle entre deux confinements, sous la menace pandémique, une nature somptueuse, intacte, scintillante et un partage amical autour de la galette des Rois, héritage païen issu des Saturnales antiques et accommodé aux rites chrétiens de la nativité.

Vraiment, ce samedi la nature s’est faite belle pour nous, à l’image de ce goupil observé peu avant Puimoisson, qui nous observe alors que la route gelée nous oblige à ralentir. Où encore sous l’apparence de ces cristaux de glace mystérieusement formés dans les courants d’air froids du col de Saint Jurs, le Saint Georges des Bas Alpins.

Il fait -3°C sur le parking à l’entrée du village tandis que nous nous préparons, laçant chaussures et guêtres, ajustant bonnet, gants, coupe-vent. Madeleine vient directement de Manosque et arrive peu après les Aixois, Isabelle, Delphine, Daniel et votre serviteur. Le ciel est encore voilé mais la météo a promis des éclaircies. Saint-Jurs, à 900 m d’altitude, est dans la neige et la barre du Montdenier est une grosse meringue. Ce n’est pas une sortie de raquettes, mais l’ambiance en sera proche. Le cheminement prévu se fait sur des sentiers ou des pistes et nécessite simplement de bonnes chaussures de marche, étanches et montantes.

Au départ du village, nous empruntons au Sud le sentier puis la petite route qui passe à la ferme de Mérines. Un sentier PR nous emmène ensuite vers la vallée du Colostre à Négaras. Il fait encore bien froid et le fleuve, certes pas plus large que la Torse à Aix, est pris dans la glace. La croûte d’eau solidifiée dessine sur la veine liquide des festons, des arabesques et des motifs dignes de Gaudi. Remontant au Nord-Est vers le moulin de Mouresse, nous nous enfonçons dans la forêt de pins noirs où la couche de poudre devient plus épaisse, puis franchissons à gué le fleuve gelé et arrivons au Moulin, lieu d’une pause bien méritée à l’abri des cèdres plantés par l’ONF.

Repartis vers le Nord, nous passons le village abandonné de Mouresse, puis rejoignons la piste forestière où se sont imprimées les traces de divers spécimens de la faune locale : lièvres variables, chevreuils, 4x4, VTT et même randonneurs ! La piste est bientôt quittée pour emprunter le sentier qui monte vers le sommet de l’Agra (1523 m). La montée est magique. Tout d’abord parce que l’altitude, combinée à l’apparition du soleil, révèle un paysage somptueux. En raison, ensuite de la configuration du terrain et de la végétation. Sous le poids de la neige, les branches des buis et autres arbustes forment des tunnels et des voûtes alors que le sentier se faufile dans un escarpement rocheux. De ce royaume endormi, Perséphone s’est retirée jusqu’au printemps. Humbles pèlerins, nous devons passer sous les arches de poudre blanche, avant d’émerger purifiés sur les pentes sommitales et ensoleillées de l’Agra. Le repas tant attendu (il est 13h40) est pris face au plateau de Valensole et la galette est sacrifiée sur l’autel (apparemment reconverti en table d’orientation). C’est ainsi que Madeleine devient reine de ces mystères, tandis qu’Isabelle nous sert du jus de pomme chaud aux épices et que Daniel offre des libations de génépi. Les rites étant accomplis, nous plongeons dans la face Nord de l’Agra.

Le jour trop court et l’entraînement limité des dernières semaines nous font renoncer au sommet du Montdenier (cela aurait accru la durée de la randonnée d’environ 2 heures). La forêt sous le sommet est figée, comme paralysée par l’hiver. Les pins enchevêtrés sous la neige forment un gigantesque jeu de mikado, un rayon de soleil rasant indique la solution de l’énigme, au sommet de la canopée.

Le plein soleil est retrouvé au col de Saint Jurs (1325 m) où des cristaux géants, formant des plaquettes ou des plumes, ont poussé sur la neige poudreuse. Un VTTiste courageux (pas électrifié) accompagné de son chien arrive au col par la piste enneigée. Il nous dépasse ensuite dans le sentier menant du col à Saint Jurs, il doit avoir de bonnes aptitudes de descendeur ! A l’arrivée au village, nous faisons une visite au château médiéval (en ruine) et à l’église attenante avant de retrouver les voitures. Pas de pot de l’amitié, c’est le COVID, mais de l’amitié simplement, un plaisir partagé, des moments rares et précieux, c’est le CAF !

Détails pratiques :

Carte IGN 3441 OT

Distance ~16 km, ~820 m de D+, 6h30 de marche pauses comprises (5h15 sans les pauses).

Venelles-Saint-Jurs = 90 km en 1h15 via Manosque et Valensole.