Carnet de route
Ascension en Ubaye – Saison 4 – La Tête de Girardin
Le 11/06/2019 par TROTIGNON Laurent
Le patron du gîte, M. Longeron, nous a bien conseillés : d’abord emprunter le sentier qui monte vers le col de Tronchet, puis bifurquer plein Ouest pour traverser vers le vallon de Girardin. Le temps est superbe. Trente minutes après Maljasset, nous tombons nez à nez avec les bouquetins. La harde d’une trentaine de bêtes est là, depuis le vieux mâle placide aux cornes de vingt-cinq cernes, à l’aide desquelles il désquame son pelage d’hiver, jusqu’au jeune freluquet turbulent, qui a peur de son ombre, et fait des voltes dans la poussière. Nous avançons tout doucement pour leur laisser le temps de dégager le chemin. Ils nous tolèrent jusqu’à environ 25 m de distance puis s’écartent. Peu à peu, nous les dépassons et reprenons un rythme de marche normal. Quelle chance cette rencontre !
Depuis la cabane de Tronchet, la traversée vers le vallon de Girardin est également un moment inoubliable. Le spectacle sur les Aiguilles est remarquable, nous pouvons aussi reconnaître notre itinéraire de la veille vers la Pointe Basse de Mary. Le sentier nous conduit dans le vallon de Girardin en franchissant une barre. L’angle rocheux passé, nous voyons des marmottes de toutes parts. Remontant des vestiges de moraine conquis par l’herbe, nous constatons que le col de Girardin est bouché par un gros cornichon de neige, de plusieurs mètres d’épaisseur. L’accès nécessite de plus la traversée d’un vallon très enneigé. Personne n’a pris ses guêtres, ni les crampons … En revanche, la montée directe vers le poste optique de la Tête de Girardin peut se faire dans des pentes dégagées, d’abord herbeuses puis terreuses ou caillouteuses. Sur cet itinéraire, nous venons d’être précédés par deux trailers italiens. Vers 11h, alors que nous sommes sous le fil de l’arête, un grondement sourd se fait entendre vers les Pics de la Font Sancte : les pentes supérieures de la montagne, exposées à l’Est, se déchargent par d’énormes coulées de neige qui forment des cascades dans le soubassement rocheux. Ces purges vont encore durer 1 heure. Le poste optique atteint, nous nous regroupons et poursuivons la marche sur le névé sommital jusqu’à la Tête de Girardin (2845 m). Le culmen rocheux est gravi par les plus intrépides, puis un pique-nique s’organise. Les trailers ont disparu … Nous ne reverrons pas ces deux italiens volants, étaient-ils effectivement équipés de windsuits ? Mystère. La Tête de Girardin offre un panorama grandiose, les Aiguilles d’Arve et le Goléon sont visibles, le Grand Rochebrune prend des airs de Cervin ou de Viso.
Le retour s’effectue tranquillement par le chemin de montée, sans oublier d’aller voir au passage les lacs Sainte-Anne et Miroir. Le verre de l’amitié est pris à Saint-Paul, là où de nombreux motards viennent aussi se désaltérer en montant au col de Vars. Mes compagnons de ces quatre jours me font crédit du beau temps, des fleurs, des bouquetins, des panoramas, du spectacle des avalanches, de l’excellence des gîtes, … Vraiment, je suis confus, tout s’est enchaîné dans une merveilleuse harmonie, des hommes, des animaux, des fleurs, de la neige et des montagnes, je n’en suis qu’un témoin aussi comblé et émerveillé qu’eux.
Photos : S. Matricon, L. Trotignon





