Carnet de route
Vélodrome
Le 04/11/2019 par TROTIGNON Laurent
Le Vélodrome
Trois mois que je prépare ce week-end de Toussaint au Pays de la Meije. Depuis une semaine, la météo du week-end empire de façon têtue, il ne reste que le vendredi matin qui soit épargné. L’annulation est donc décidée, mais je propose aux personnes inscrites au week-end de venir randonner le vendredi aux environs de Digne. Le circuit du Vélodrome, déjà proposé en avril 2018, me semble tout à fait adapté à la saison automnale, juste un peu de boue à craindre sur des sentiers bien tracés.
Un groupe se reconstitue et nous serons finalement onze cafistes réunis en deux véhicules à rouler ce matin de Toussaint vers la vallée du Bès et ses curiosités géologiques. Au niveau du village d’Esclangon, un parking est trouvé, des thermos de café et de thé sont ouverts et un panettone sort comme par miracle du sac de Delphine. Mais nous sommes aussi venus pour marcher, alors rapidement nous prenons la direction du Ravin du Serre pour remonter vers le Vieil Esclangon, situé 300 m plus haut en altitude que le village moderne. Alors que nous sortons de la forêt, des chevaux en liberté nous accueillent. D’abord intimidés par le bruit des conversations, les animaux se rapprochent, curieux et escomptant visiblement quelque friandise. Thierry y pourvoit, puis nous continuons notre progression.
Dans ce vallon, les couleurs de l’automne sont hissées et tapissées, le rouge des érables, l’or des peupliers, le brun des frênes, des verts pâles, l’ivoire des bois morts. Nous atteignons le Collet et montons jusqu’au belvédère (1152 m) qui permet d’admirer, à l’Ouest, le site du Vélodrome, situé sur l’autre rive du Bès. Ce pli calcaire et gréseux aux strates relevées jusqu’à la verticale figure un immense amphithéâtre elliptique, où semblent visibles les lattes d’un parquet ou des couloirs, comme dans une arène consacrée à la petite reine. Au centre, la Lame de Facibelle, strate isolée, dégagée, se dresse fièrement. Derrière nous, à l’Est, la crête du Blayeul, immense, borne l’horizon. Débouchant de la Clue du Pérouré et du défilé de Barles au Nord, le Bès indompté et indomptable envoie vers le Sud ses tresses liquides, grises ou bleutées, entrelacées.
Redescendus au Collet, nous prenons alors le chemin qui descend à travers des terres rouges et vertes jusqu’à la route. Nous faisons une tentative pour aller voir, un peu plus au Sud, la dalle où sont fossilisées des empreintes de pas d’oiseaux vieilles de 20 millions d’années, mais le chemin d’accès est barré pour cause de risque d’éboulement. Repartant vers le Nord, nous traversons le Bès par la route puis la Clue du Pérouré via un tunnel et dirigeons nos pas vers le chemin qui va nous conduire au Sanctuaire de Roche Rousse et à l’Ermitage orthodoxe de Saint-Jean du Désert. Tous les chemins que nous empruntons aujourd’hui sont des traits de génie, tracés et ciselés dans un relief tourmenté, fils d’Ariane nous conduisant à bon port à travers le labyrinthe des Basses Alpes. Aux abords du Sanctuaire, site mystérieux blotti sous une falaise, la forêt change : les pins cèdent le pas aux mélèzes et aux hêtres à mesure que nous passons sous le mur Nord du Vélodrome. De façon concomitante, le sous-bois se peuple de nombreux champignons comestibles, objets de l’attention et des recherches de Marie-Hélène, experte en sanguins, petits gris, girolles, pissacans. A l’approche de l’Ermitage, nous faisons silence sous la futaie : un ermite fait retraite à Saint-Jean du Désert, la discrétion s’impose. Juste devant la minuscule église, un espace au soleil en équilibre au bord de l’amphithéâtre. Un cercle est formé pour la pause, au cours de laquelle seront dégustées cinq ou six variétés de chocolat. Sieste ou méditation, un grand calme, les feuilles qui se jettent dans le vide.
Pour atteindre la lame de Facibelle depuis l’Ermitage, le chemin se fait audacieux, nous spiralons sur l’Adret du Vélodrome vers le ravin et il faudra à Cécile un peu de cran pour descendre les marches de cet escalier géant. La Lame gréseuse, fichée dans le fond du vallon, est impressionnante et titille Michele qui essaye de la gravir par la pensée. Le chemin que nous suivons maintenant, traverse une hêtraie, longe des gisements de fossiles et de champignons, remonte un vallon marneux puis arrive au hameau de Tanaron : chapelle en restauration, petit cimetière, calade en motif d’escargot. Un chemin muletier nous permet alors de rejoindre Esclangon, et la route Digne puis Malijai et l’autoroute enfin Venelles. Les visages de mes amis cafistes sont tout sourire, je suis également heureux de cette belle sortie.
Données extraites du GPS de Marie-Claude :
+1018 m de D+
16 km
Photos : C. Dutemple, G. Thareau, L. Trotignon





