Carnet de route

Les Crêtes de Géruen

Le 20/09/2020 par TROTIGNON Laurent

Au bout de la vallée des Duyes se dresse la Crête de Géruen, paquebot de 4 km de long, échoué par les nappes de charriage alpines. Cette épave, visible depuis le péage de Peyruis, est l’objectif de notre plongée dans les Basses-Alpes. Remontant le temps et s’enfonçant dans les profondeurs vertes de la forêt, la petite route que nous suivons est heureusement peu fréquentée car très étroite. Bientôt nous passons le col de l’Hysope puis arrivons au col de Fontbelle (1304 m), enfin nous pouvons nous extraire de nos masques et enfiler les combinaisons de marche !

Dans notre groupe de 6 randonneurs, il y a quatre nouveaux venus au Club Alpin d’Aix : Monique, Sameline, Johanne et Bernard. Daniel et moi-même sommes donc les anciens chargés de mener cette expédition. Cette dernière commence par une tasse de thé ou café au choix, accompagnée de croissants. Notre groupe dispose de 4 GPS, 5 altimètres, 2 boussoles, 3 cartes IGN, 1 topoguide, 2 pharmacies en sus des paires de bâton, coupe-vent, barres de céréales réglementaires. Tout devrait donc bien se passer. Seule la météo permet d’espérer un peu d’imprévu…

Comme Josué l’avait fait pour prendre Jéricho, nous commençons par contourner la muraille de Géruen. La piste taillée dans les marnes épouse de son corps reptilien les ravinements. Monique qui teste la solidité de sa cheville en rééducation s’échauffe et se rassure tandis que nous faisons connaissance les uns avec les autres. Nous reconnaissons également peu à peu les habitants de ces pentes, pins noirs, pins sylvestres, chênes, merisiers sauvages, aubépines, genêts, ronces. La respiration entravée pendant le trajet retrouve sa liberté et son amplitude. La piste remonte et la vue se dégage vers le Sud. Sous le plafond gris pommelé du ciel, tôle bosselée et trouée de pluies de lumière, se révèlent en vagues proches et lointaines les vallées du Bès, de la Bléone et de Durance. Une pause et puis il se met à pleuvoir. A la piste large et damée succède sans transition une trace à peine marquée franchissant de raides talus dans les herbes hautes. De rares cairns mal construits sont d’abord trouvés puis disparaissent, la végétation sans être très dense nous oblige à de fréquents contournements. Notre objectif, le Pas de Géruen, est le passage obligé pour conquérir la citadelle, le crux comme on dit parfois. J’explique à mes compagnons, ravis, que nous sommes un peu perdus. En s’aidant un peu du GPS et beaucoup de notre bon sens, nous arrivons au pied de la falaise et trouvons bientôt le point de faiblesse, le sésame-ouvre-toi du passage. Miraculeusement les cairns réapparaissent et nous atteignons la crête sans encombres, sous un soleil revenu nous sécher.

Suivant les sentiers de mouton, balisés de crottes et d’écheveaux de laine, nous escaladons le dos de la montagne. Soleil, pluie, vent alternent, des rapaces en majesté tournoient sur la falaise, nous atteignons la frise sommitale et trouvons la pelouse idéale pour pique-niquer, les yeux perdus dans les sommets de la lointaine Ubaye.

La bergère, assise sous son parapluie avec Voyou, Border Collie de son état, est au téléphone quand nous arrivons à sa hauteur. Elle cherche son troupeau. Grâce à nos indications, elle sait où le retrouver et nous précède en précisant que c’est mieux ainsi, le-dit troupeau étant défendu par 8 patous plutôt méfiants. De la poupe à la proue, nous avançons sur la montagne échouée qui a pris depuis 20 millions d’années de la gîte, des fissures apparaissent dans le pont, peu à peu l’épave de ce Titanic est débitée par l’érosion et le gel, dissoute par l’eau, grignotée par le temps.

N’ayant pas pu profiter d’une sieste, la faute à une averse imminente, je propose une pause avant de redescendre de la crête dans la forêt. Un moment agréable est passé à observer le paysage, parler de montagne et du plaisir à la partager, des prochaines randonnées et de tous ces sujets venant du hasard des rencontres et de la présence de la nature.

La pluie, encore elle, tant attendue par la terre, nous propose de revenir vers les voitures. Et une agréable terrasse au centre de Thoard nous permet de prolonger ce moment convivial et arrosé.

Durée : 6h30 pauses comprises. D+ = 800 m environ. Distance : 16 km environ.







CLUB ALPIN FRANCAIS AIX EN PROVENCE
MAISON DES ASSOCIATIONS
1 RUE EMILE TAVAN
13100  AIX EN PROVENCE
Contactez-nous
Tél. 04 42 27 85 65
Permanences :
jeudi 19:00 - 20:00 (Permanence fermée pendant les vacances scolaires)
Agenda