Carnet de route

Péouvou et Panestrel (J2)
Le 15/07/2023 par Laurent TROTIGNON
Péouvou, Pelvoux, Pelvat. Selon Paul-Louis Rousset, la racine « Pel » d’origine pré-indo-européenne désigne un sommet, une hauteur. La comparaison de ces trois montagnes pourrait également suggérer que ce mot désigne une forteresse comportant deux tours. Le Péouvou, cuirassé de plaques rocheuses redressées à la verticale, cerné d’éboulis pentus, domine de plus de mille mètres le Plan de Parouart. Le sommet Nord du Péouvou (3230m) est réservé au vent, aux aigles et aux alpinistes. Le sommet Sud (3174m) est en revanche un bel objectif pour le randonneur alpin pourvu qu’il se lève tôt et ait de bonnes chaussures aux pieds.
5h50 : nous passons devant l’église et le cimetière de Maurin puis traversons le hameau de Combe Brémond où gargouille une fontaine. Une tache de lumière vient d’allumer les sommets des Aiguilles de Chambeyron, du Panestrel et de la Font Sancte. Lentement, baillant de temps à autre, nous nous éveillons à ce jour né sous un fin croissant de Lune. Environ 400 m avant la cabane de Parouart, un cairn discret désigne l’embranchement vers l’alpage de Tiéouré. Dans l’ombre du Péouvou, nous gagnons rapidement de l’altitude, traversons un ravin par une sente de marmottes et suivons la courbe de niveau 2550m. Elle nous conduit au fond d’un vallon jusqu’au pied d’un éboulis de rochers clairs, vomi par la montagne lors des purges de fin d’hiver. A l’ombre du colosse, un vent d’Ouest s’est levé, Marion qui a opté pour le short commence à regretter son choix. Contrairement aux préconisations des topos, nous ne longeons pas la falaise où l’éboulis est trop fluide et fuyant. Repérant une ligne de gros blocs bien stabilisés, une fois casqués et muni des baudriers, nous escaladons sans peine l’obstacle et rejoignons l’éboulis perché sous la face Ouest du Péouvou. Calés sur une nouvelle courbe de niveau (2830 m), nous progressons maintenant vers le Sud sous l’œil placide d’un bouquetin. Éboulis fins ou grossiers, névés résiduels, blocs instables, pentes fuyantes, nous arrivons enfin au bas du couloir menant vers la crête sommitale.
Marion, habile à franchir du 6b en falaise, et José, habitué aux randonnées en montagne, sont malgré tout surpris par l’ambiance et le caractère rugueux de ces lieux. Pas question de remonter directement le couloir, canal d’évacuation des pierres instables qui l’encombrent. Formant deux cordées, nous allons remonter, à l’abri de potentiels projectiles, la rive droite du couloir. Cette dernière forme une arête saillante, succession de gradins et de dalles inclinées où étape par étape nous gagnons de l’altitude. Les 80 derniers mètres du couloir doivent être néanmoins remontés en empruntant un goulet relativement stable et bien protégé. Enfin le soleil touche nos casques, nous émergeons sur l’arête et gagnons par une courte traversée aérienne le sommet, orné d’une rustique croix. Le pique-nique se tiendra sous la brèche où débouche le col, à l’abri du vent, face au Viso encapuchonné.
Pour la descente, je change la composition des cordées : Samuel, expérimenté et à l’aise, descendra avec Marion qui s’habitue doucement à ce milieu si différent des salles de grimpe. Je ferai équipe avec José, un peu inquiet par la perspective de redescendre les flancs de cette forteresse. Mais rapidement, ce dernier prend confiance et comprend le fonctionnement de la marche à corde tendue, la négociation des vires et virages, l’association à nouer avec les béquets et l’adhérence du rocher et il finit par prendre plaisir à cette randonnée de précision, danse subtile entre les cailloux, mélange de mikado et de marelle. Couloir redescendu, éboulis suspendu retraversé, éboulis blanc redescendu, vallon retraversé, genoux fatigués, et enfin, terrasse du refuge retrouvée 11h30 après notre départ. J’attribue d’office le chamois d’or à Marion et José pour cet exploit. José m’avoue qu’il ne serait pas venu s’il avait su mais complète aussitôt en disant qu’il est ravi de l’avoir fait. Samuel, friand de parcours accidentés et aventureux, a aussi l’air très heureux d’avoir pu exercer ses talents, et il m’a bien aidé pour co-encadrer cette sortie.
Informations pratiques: Le Péouvou (3174m, sommet Sud) depuis Maljasset. 1400 m D+, environ 19 km. Prévoir : casque, baudrier, corde de randonnée de 30m pour encordement à double, gants. Montée à l’ombre en versant Ouest. Ne pas trop se fier aux topos, exercer son sens de l’itinéraire pour choisir le meilleur cheminement, notamment dans la remontée du couloir et la traversée des éboulis. Attention en cas de présence d’autres cordées.
Photos de J. Disdier, S. Causero, M. Di Cocco, L. Trotignon