Carnet de route
Jardin d'hiver
Le 29/11/2021 par TROTIGNON Laurent
Sortie du 28/11/2021.
En raison de conditions soudainement hivernales, la randonnée prévue à Chanabaja est ajournée et remplacée, un peu hâtivement, par une proposition de sortie au-dessus de Saint Jurs. Ce secteur déjà parcouru, situé au Sud de Digne, bénéficie d’une prévision météo certes froide mais plus ensoleillée, et devrait, en outre, nous éviter de circuler au petit matin sur la route étroite, sinueuse et verglacée de Prads.
Divers aléas font fluctuer l’effectif du groupe jusqu’à la dernière heure du samedi soir et nous sommes finalement sept Cafistes à examiner ce dimanche matin, sur le parking à l’entrée de Saint Jurs, la carte IGN 3441 OT tenue à l’horizontale. Le circuit proposé monte à l’Agra (1523 m), en redescend versant Nord puis monte à l’assaut du Montdenier (1752 m), revient au Col de la Cabane, circule à flanc de montagne vers le ravin de Marignol, contourne la bosse de Marignol par le Sud et file vers le Moulin de Mouresse, longe le Colostre azimuth 250 et revient sur Saint Jurs par le Sud en frôlant la ferme de Mérines. A la louche, j’annonce 16 km et 6 heures de marche …
Nous voilà donc partis, d’un bon pas, suivant dans l’air frais (-2 C) les balises jaunes du PR, escaladant dans la forêt les contreforts de l’Agra. A l’abri du vent, nous nous réchauffons et, peu à peu, la vue se dégage vers le plateau de Valensole. Le Montdenier, couvert d’une longue écharpe nuageuse, révèle sur ses flancs une forêt givrée. Les buis autour de nous ont aux feuilles des corolles glacées et le sol gelé croustille sous nos semelles. Le vent nous attend au sommet de l’Agra où la température ressentie chute vertigineusement. Le lac de Sainte Croix est maintenant bien visible au Sud. Le mistral, puisqu’il faut l’appeler par son nom, pousse devant lui des troupes de nuages faiblement agglomérés, ce qui laisse passer de temps à autre un rayon de soleil fort bien accueilli.
Arrivés au point où il faut décider si nous irons tenter l’ascension du Montdenier, mes compagnons se déclarent d’accord pour cette aventure : le sommet invisible dépasse-t-il de la couche nuageuse ? Pour savoir, il faut voir et pour voir, il faut y aller ! Après une courte montée dans la forêt, nous devons aborder un bref escarpement puis traverser à découvert la toundra qui conduit au sommet. La neige soufflée s’est agglomérée, particule après particule, sur les herbes, les pierres, les arbustes. L’hiver prépare son jardin et fait fleurir de curieuses concrétions. Poussés dans le dos par le mistral, nous traversons le siphon cotonneux et atteignons le sommet qui n’émerge pas franchement des nuages mais accueille par éclipses inversées des bouffées de soleil. Daniel remplit le livre d’or, nous admirons cette ambiance hivernale alors que, sous le couvercle gris des nuées, le piémont fauve est éclairé de lueurs obliques.
A contre-vent, frigorifiés, nous regagnons la forêt protectrice et trouvons l’emplacement idéal pour pique-niquer : touffes de thym, plein Sud, à l’abri d’un rocher. Les sacs s’ouvrent et livrent leur contenu, au fond du mien je trouve un panettone, Delphine et Joséphine distribuent les carrés de chocolat comme des cartes à jouer, le thé chaud coule à flots …
La suite de la randonnée, filage de pistes et de sentiers en sous bois, en général en pente douce et descendante, permettant une marche régulière assez rapide démarre sous de bons auspices. Peu de temps après la pause méridienne, Marie-Claude me fait cependant remarquer que nous avons déjà parcouru 16.8 km. Je dois bien convenir que j’ai dû me tromper sur la distance à parcourir. La carte est à nouveau consultée, le reste-à-faire semble encore bien long … Mais, boostés par le panettone, nous repartons d’un bon pied, je sens quand même que j’ai peut-être évalué le Plan B de façon trop sommaire, en me basant sur des souvenirs plutôt que sur des mesures très précises faites tard le soir dans mon bureau d’encadrant.
Heureusement, il fait assez beau temps, la nature est splendide, mes compagnons sont vaillants, et même si Delphine ma co-encadrante fronce les sourcils sur cette bévue, je sens que le plaisir d’être en montagne l’emporte. Nous saisissons le jour et admirons dans la lumière du couchant comment l’hiver revient en son jardin transformer en cristaux les fanes de l’été.
Informations pratiques
Distance : environ 25 km pour ~1200 m de D+ (8h pauses comprises)
Trajet depuis Venelles : par Manosque, Valensole et Puimoisson, 90 km, 1h15.
Photos : M.-C. Gabelli, D. Gillier, C. Thérond, L. Trotignon





