Carnet de route

Les montagnes d'en haut - autonomie en haute montagne
Sortie : FORMATION ALPINISME - Séjour en montagne du 04/07/2022
Le 06/09/2022 par Antoine Bentegeat
C'est la semaine de fin d'étude pour la promo du CAF. On a posé nos congés des mois en avance pour ne pas louper ça. Les Écrins sont déjà beaucoup trop secs, on jette donc notre dévolu sur la capitale de l'alpinisme : Chamonix.
Le plan initial : partir le dimanche matin avec deux voitures, prendre les remontées mécaniques du Tour et finir à pied jusqu'au refuge Albert 1er. Ça paraît simple. Trop simple...
Début des complications la veille du départ : on apprend que les remontées mécaniques sont en travaux. On prévoit donc de partir une heure plus tôt. Top départ à 6h d'Aix. Très vite tout s'enchaîne. 8h on reçoit un appel de l'autre voiture. Tom* (*le prénom a été modifié pour préserver son anonymat) s'est trompé de carburant à la pompe de Lus la Croix Haute. La voiture est HS. 9h dépanneuse. 10h lancement d'un plan B. 12h Louis repart sur Aix à l'arrière d'une moto pour aller chercher sa voiture et revenir avec. 16h il est pris dans les bouchons, les barrières SNCF des passages à niveaux refusent de s'ouvrir. 45min plus tard, au redémarrage, sa voiture n'accélère plus. 17h bien tassé Louis nous récupère, sauf Tom qui restera avec sa voiture en attendant qu'elle soit réparée. Hélas la voiture de secours ne dépassera plus les 90km/h sur l'autoroute ni les 30 dans les virages du Val d'Arly. 22h on arrive au ralenti au pied du Tour. On montera donc demain après avoir déposé une seconde voiture au garage. Il n'y a pas d'aventure sans mésaventure.
Quelqu'un ou quelque chose ne veut pas qu'on y aille, ça semble évident. Les moins superstitieux commencent à se poser des questions quand on reçoit deux mauvaises nouvelles : l'effondrement du glacier de la Marmolada et l'éboulement au col Tuckett où nous étions deux semaines plus tôt. J'allume un cierge à l'église de Chamonix, on sait jamais, autant mettre toutes les chances de notre côté.
Le reste de la semaine se passe presque sans encombre. Mardi on monte aux Aiguilles du Tour (3359m) dans un brouillard à couper au piolet. Dans le col du Midi des Grands tout le monde marche sur des œufs, c'est sec, raide et instable. Devant ils ont peur de nous envoyer des parpaings, derrière on a peur de les recevoir. On ferme la marche avec Vincent, la récolte est bonne. On salut de trop près un bloc gros comme une table basse qui a décidé de visiter le fond de la vallée. Au sommet c'est toujours le gris complet, on imagine la vue qu'on pourrait avoir. Les récompenses ne sont pas toujours là où on les attend.
Mercredi, enfin du beau temps et Tom arrive à nous rejoindre ! On part pour Tête Blanche (3429m) en passant par l'arête rocheuse depuis le col du Tour. Une vraie merveille : c'est long, aérien par endroit et le cailloux consistant. Au sommet on a le plaisir de découvrir celui de la veille. L'alpinisme sans la vue c'est un peu comme une soupe servie dans un mug, ça perd de son charme. Les plus curieux iront voir si la neige est plus blanche à la Petite Fourche (3520m). Pour les autres ce sera une Croûte et en route. Il est temps de redescendre avant de repartir pour le refuge du Couvercle. La descente est longue, ça gonfle tout le monde et en particulier le genou de Mathilde. On fait ce qu'on peut pour le faire dégonfler. Mais rien n'y fait malgré tous les Picon du monde. En revanche, de notre côté, on peut affirmer scientifiquement qu'à partir d'un certain nombre de Picon les courbatures disparaissent.
Le lendemain, temps calme. Mais Louis et Thomas, à qui nous n'avons pas pris le temps d'expliquer correctement la notion de repos, partent faire une grande voie dans les contreforts des Aiguilles Rouges. Le reste du CAF ira lécher des glaces et des vitrines dans les rues commerçantes de Chamonix.
Vendredi, on atteint le refuge du Couvercle. On entend souvent que les alpinistes de l'époque c'était des vrais : ils n'avaient pas de radio, pas de prévisions météo, pas de matériel ultraléger... D'accord. Mais eux au moins ils avaient un glacier à quai en sortant du train du Montenvers ! Aujourd'hui tout ce qu'il nous reste ce sont des centaines de barreaux d'échelle pour passer d'une rive à l'autre de la Mer de Glace. Nous ne sommes donc plus sur la trace des anciens mais dessous...
Samedi la montagne est intraitable. Les cordées du CAF sont mises en déroute par une bande d'ecclésiastiques. La Nonne joue la montre et nous piège dans un dédale de vires. L'Evêque repousse à mi parcours les alpinistes qui avaient la courtoisie de lui rendre visite. Ceci dit, le chili con carne de la veille y sera peut être pour quelque chose. C'est criminel de servir ce type de plat dans les refuges... Ça restera quand même une des plus belles courses de la semaine avec le passage dit du rasoir face aux Drus, à l'Aiguille Verte, aux Droites, aux Courtes et aux Grandes Jorasses. De quoi ramener assez de souvenirs jusqu'à la saison prochaine.
Pour nous qui commençons l'alpinisme cette année, on sent bien que quelque chose se termine. L'or blanc disparaît à une vitesse effrayante. L'alpinisme estival sera rocheux ou ne sera plus. Les cotations et l'organisation des courses sont déjà en révision. Partout les cimes s'émoussent, les cols asséchés ne sont que pierres qui roulent et les glaciers suffoquent avec leurs bouches grandes ouvertes. En Suisse l'ISO 0°C est passé au-dessus des 5100m d'altitude... Il faudra peut-être penser à rajouter le Dry Tooling à la formation de l'année prochaine ?
Merci au CAF d'Aix et aux encadrants pour la qualité de la formation et de leur accompagnement tout au long de l'année. Merci à Sylvain, Jean-Sébastien et à Vincent pour cette semaine de courses et de logistique. A l'année prochaine pour sûr.