Carnet de route

Les Aiguilles de Valbelle

Le 09/02/2021 par TROTIGNON Laurent

Le centre du Var est un océan. Océan de forêts, parsemé d’îles qui sont des villages. Au Sud de Méounes-les-Montrieux, nous remontons la vallée du Gapeau sur 1 km pour amarrer nos embarcations à l’entrée d’un vallon encaissé et moussu. Deux groupes, respectivement encadrés par Edwin et Vincent pour le premier, Delphine et votre serviteur pour le second, se préparent en vue d’une marche autour de la Montagne du Grand Puy de Valbelle et, pourquoi pas, jusqu’au sommet de cette forteresse drapée de forêts et de brumes.

La randonnée initialement prévue dans les Basses Alpes près de Barrême a été dépaysée dans le Var pour cause de météo agitée. Après un samedi de fort sirocco et une nuit ponctuée de fortes averses orageuses, l’ambiance est presque tropicale. Les deux groupes (6 et 5 cafistes respectivement) remontent le vallon, passent un oratoire et atteignent la Chartreuse de Montrieux-le-Jeune. Ce monastère fondé en 1137 abrite une communauté d’une douzaine de moines chartreux. La difficile voie cartusienne, suivie par ces ermites, associe principalement la solitude (contemplation, prière, méditation dans une cellule) à une part de vie communautaire (liturgie, promenade hebdomadaire).

Nous longeons le portail d’entrée du monastère, flanqué de deux tours, puis atteignons la piste qui longe au Nord la Montagne du Grand Puy. Le plan initialement échafaudé avec Edwin est de monter au sommet du Grand Puy par le sentier indiqué sur ce versant Nord sur la carte IGN au 25 000 ème. La théorie se heurte au terrain et se fracasse sur la réalité : malgré une recherche effectuée sur 300 m le long de la piste pendant plus de 20 minutes, nous ne trouverons pas le début du soupçon de l’existence d’un chemin. Quittes pour les uns à s’être griffés aux ronces, pour les autres à s’être trempés aux buissons chargés d’eau de pluie, la décision est prise de continuer la piste vers les Aiguilles en contournant la montagne par l’Ouest.

Poursuivant notre chemin, nous croisons une famille accompagnée de deux jeunes ânes gris et rejoignons le GR9 à un carrefour où un groupe de VTTistes, descendant du sommet de Garancière, effectue un regroupement. A proximité débute le site des Aiguilles de Valbelle, situé dans une dépression karstique, un poljé. La dissolution des sédiments dolomitiques fracturés a créé ces aiguilles rocheuses remarquables avec parfois des arches. Le secteur est truffé d’avens et de grottes plus ou moins comblées de sédiments rouges. La végétation a colonisé ces vestiges rocheux dont beaucoup portent des jardins suspendus ou des bonzaïs cramponnés.

Nous commençons à chercher un lieu de pique-nique en nous dirigeant vers le lieu-dit Valbelle. Le versant Sud du Petit Puy est longé, nous pensons y trouver notre bonheur. Une pépinière dense de cèdres du Liban a été plantée, la végétation ne cède pas un pouce de terrain. Nous remontons la piste vers la cote 627 m (col) à la recherche d’une station et finalement, je propose, en indiquant que c’est probablement le seul endroit d’où on ne le verra pas, de pique-niquer au pied d’un immense pylône dominant le village de Belgentier. Rémy, qui connaît bien Hyères dont il est un enfant, nous désigne les îles de Porquerolles, de Port-Cros et du Levant bien visibles de notre perchoir. Le lieu n’étant pas propice à la sieste, nous redescendons vers le col (627 m) et effectuons une reconnaissance vers l’Adret de Valbelle (709 m). Le sentier, non indiqué sur la carte, est bien réel, assez correctement balisé (points orange) et permet une incursion dans le lapiaz envahi par la jungle provençale. Le groupe d’Edwin est à l’avant-garde, nous communiquons, à l’instar des pygmées, à l’aide de modulations vocales ou autres signaux sonores. La végétation est si dense que nous ne verrons absolument rien du paysage, cet aller-retour vaut essentiellement pour l’ambiance « Indiana Jones dans la forêt tropicale » assez inattendue.

Nous redescendons maintenant vers le Jas de Gabrielle puis la Chartreuse et le Gapeau où sont retrouvées, au sortir du vallon moussu, nos embarcations à l’amarre. Mes compa(gnes)(gnons) cafistes sont souriants, ont pris le bon air et très peu la pluie ; le Grand Puy garde ses mystères et incite à y revenir mais munis de bon sécateurs !

Merci à tous et en particulier à Edwin, Vincent et Delphine pour l’encadrement.

Durée : environ 6 h pauses comprises pour ~17 km et 700 m de D+.

Chartreuse de Montrieux-le-Jeune : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chartreuse_de_Montrieux

http://www.chartreux.org/fr/maisons/montrieux/index.php

Blanc Jean-Joseph, Nicod Jean. Les surfaces karstiques du plateau de Montrieux (Var) - Etude quantitative de la fracturation. In: Karstologia : revue de karstologie et de spéléologie physique, n°16, 2e semestre 1990. pp. 17-28; doi : https://doi.org/10.3406/karst.1990.2241

https://www.persee.fr/doc/karst_0751-7688_1990_num_16_1_2241