Carnet de route

Lever de Soleil au Pic des Mouches

Le 19/12/2021 par TROTIGNON Laurent

Au début, il y a le froid, le givre et la buée dans la lumière des frontales. Anticyclone parfait, pleine Lune, rumeur de voix et de pas sur la piste de l’Oratoire de Malivert. L’air est calme. La montagne, miroir profond, nous invite aux méandres de ses vallons perdus, endormis.

Pour ce voyage aux confins de la nuit, tirés de la volupté de leurs lits, quinze CAFistes se sont réunis. Aux avants postes, je mène cette troupe ensommeillée vers la promesse et la beauté d’un matin ensoleillé. A l’arrière-garde, Delphine veille à ce qu’aucun de nous ne soit englouti, emporté hors la ligne de vie.

Il y a aujourd’hui des habitués, Joséphine, Christine, Marie, Marie-Hélène et Thierry, et aussi les nouveaux, Karine, Pamela, Morgane, Frédéric, Céline, Jeanne, Janusz et Filip. Avec un effectif aussi fourni, je fais des regroupements fréquents. Thierry économise sa frontale et se fond dans l’ombre. Invisible, il manque me faire perdre, des participants, le nombre.

L’horizon d’Orient a maintenant étiré et séparé, en une fine toile de Rothko, le bleu, l’ambre et le pourpre. D’hyacinthe et d’or abreuvés, au carrefour de l’Oratoire, nous quittons la piste et filons plein Ouest, dans le sous-bois, vers notre but. La ponctualité du Soleil est connue, il ne faut point lambiner et je tire avec vigueur sur l’élastique invisible qui relie notre cordée. Il s’étire un peu mais ne rompt pas, la lumière diffuse est maintenant suffisante pour ne plus se perdre.

Enfin le sommet, la table d’orientation, où un groupe de quatre étudiants déjà observe comment, vers Bethléem, se dilate l’Orient. Filip installe le trépied de son appareil photo, j’invite mes compagnons à poser leur sac dans les gradins sous le sommet. Luxe inouï en ce lieu éolien, il n’y a pas de vent, aucune turbulence n’agite l’air, le froid ressenti coïncide avec le froid réel. Ce dernier nécessitant tout de même l’assistance de quelques couches de polaire. Là-haut, la Lune, en chute libre, suit une géodésique fatale dans les stratosphères rose et bleutée.

Le point focal du jour s’est déplacé vers la Montagne de la Loube, solstice de notre randonnée où perce enfin l’outre de la nuit. La lumière gicle et se répand, elle nous éclabousse, elle inonde Sainte Victoire de ses photons rageurs et goulus.

Pain d’épice, cake aux fruits sec, gibassier. Panettone, croquants, navettes. Je ne pensais pas avoir mis tout ceci dans la liste du matériel nécessaire à la sortie. Il s’avère cependant que cet inventaire décrit de façon assez fidèle le contenu réel de nos sacs. Cela tombe bien, nous avons tous une petite faim, aiguisée par cette attente au bord de l’océan du monde. Rassurés et émerveillés par tant d’ordre et de beauté, simples randonneurs sur cette Terre, nous partageons un joli repas de fin d’année.

Bon bout d’an à tous !

Montée depuis le parking à l’Est du Col des Portes (1h20)

Remerciements à C. B. pour son Invitation au voyage.