Carnet de route

Marche afghane

Le 29/04/2022 par TROTIGNON Laurent

Nous sommes tous en chemin.

La randonnée, reine en ce domaine, nous mène aussi en tous chemins.

J’ai croisé celui de Pascal Mazzani, l’automne dernier à Auzet, à la Fontaine de l’Ours. Pascal accompagnateur en montagne m’a parlé des techniques respiratoires permettant d’accroître l’endurance, l’aisance en randonnée, voire même de récupérer tout en marchant. Souhaitant proposer aux adhérents du CAF des sorties agrémentées de découvertes en tous genres, le projet d’un week-end éducatif de randonnée et marche « afghane » animé par Pascal a fait son chemin.

Ni la météo promettant 50 mm de pluie de samedi à dimanche, ni le second tour des élections présidentielles n’entament la motivation de 11 pèlerins du CAF d’Aix : Martine, Gérard, Delphine, Christine, Marie-Hélène, Pamela, Karine, Erick, Thierry, Joséphine et votre serviteur. Les sacs rangés dans le gîte de la Gelinotte à Auzet, notre salle de classe sera le Clot de Bouc (1962 m) éminence conique dominant le hameau.

Lenteur, expiration, relâchement, tels sont les ingrédients essentiels d’un début de randonnée. Plus lentement on démarre, plus loin on ira. Le pas et la respiration nasale s’harmonisent, circulent en boucles ininterrompues. Pendant une vingtaine de minutes, chacun reprend contact avec son corps et tel un harpiste, pince et accorde délicatement les méridiens qui le traversent. Je retrouve la source enfouie sous le stress et la fatigue, j’oublie la pluie, les tracas, les fracas.

Passons maintenant aux gammes du marcheur « afghan ». La déclivité forte nous permet de tester le « grand pignon », inspiration sur un pas suivie sans discontinuer de l’expiration sur un pas, puis la pente s’adoucissant, nous changeons de braquet respiratoire, donnant à l’inspire et à l’expire plus de temps, suivant en cela le métronome de nos pas et la cadence de notre cœur, qui doit rester constante, autour de 90 pulsations à la minute. Le vent froid rabat en vain la pluie sur notre tête, nous restons capitaine de notre âme et, studieux et sereins, gravissons la montagne autant que nous descendons en nous même. Au sommet la neige roulée commence à s’agglomérer au sol, des nuées opaques bouchent le paysage que Pascal nous décrit malgré tout avec beaucoup de conviction et de précision.

Il est temps de pratiquer la descente pour ne pas geler sur place. La technique est simple : des petits pas, faire travailler les quadriceps avec une expiration en « fou, fou, fou, ... », les bâtons bien positionnés en style camionneur, le regard anticipant les accidents du terrain, un certain relâchement, … Ni Sean Connery ni Meryl Streep n’auraient notre classe, notre pureté de style. L’avantage de cette technique est son efficacité : rapidement nous sommes arrivés au torrent de Passavoux, traversé d’un bond jusqu’à la piste.

La descente vers Auzet est l’occasion de tester une nouvelle technique insérant des périodes de rétention du souffle, soit poumons vides soit poumons pleins, entre l’inspire et l’expire. Nous sommes des élèves appliqués, malgré le vent de face qui entrave la respiration nasale. Qu’importe, nous sommes en pleine nature et partageons des moments rares d’échange et d’expérimentation.

Après avoir mis à sécher nos vêtements et chaussures, nous être douchés, Pascal nous convie à une séance de sophrologie dans la yourte de la Fontaine de l’Ours. Ce lieu est aussi utilisé lors des classes vertes pour initier les jeunes de la ville à l’écoute des sons et bruits intérieurs et extérieurs. La Fontaine de l’Ours dispose également d’une salle de musique étonnante, regroupant des centaines d’instruments de musique, djembé, tambourin, xylophone, gong, harpe, cimbale, piano, flûte, ocarina, gaffophone, … Tels de jeunes collégiens, nous tapons, grattons, pinçons, frottons, rions.

L’apéritif est préparé par les uns tandis que le repas est mis en route par les autres : tapenade maison, banane plantain, poulet yassa, desserts variés et verveine citronnée du jardin de Marie-Hélène. La limite pluie-neige est descendue bas, vers 1400 m. La sortie projetée le lendemain au Blayeul est remplacée par une marche et des exercices à proximité de Digne : nous serons à plus basse altitude et le temps y sera plus lumineux que dans les défilés étroits et humides du Bès. Ce changement de programme permet un lever « tardif » (vers 7h00, honnête pour un dimanche) et un début de marche à 10h devant le Palais des Congrès à Digne. Les sommets sont enneigés et le soleil se montre.

Après une répétition des gammes afghanes, nous atteignons la chapelle de N.D. de Lourdes devant laquelle est conduit un exercice sophrologique alternant rotations vigoureuses des épaules en apnée avec de profondes expirations. Devant la chapelle Saint Vincent, un peu plus haut située, nous trouvons une belle prairie en lisière de forêt où Pascal propose de nous initier à la marche en pleine conscience. Du pas lent de la cigogne, observés par un couple d’aigles royaux qui planent en majesté, nous accédons simultanément au mouvement et à l’immobilité, ayant unifié et fusionné ces deux états supposés à tort, nous le savons maintenant, contradictoires.

Le groupe émerge du yin-yang et doit affronter une nouvelle épreuve initiatique : monter rapidement à la chapelle de la Croix qui nous domine en prenant un rythme rapide jusqu’à se « mettre dans le rouge » et à ce moment, changer de rythme respiratoire pour sortir de ce sur-régime cardiaque, tout en gardant la même vitesse. Après un court repos, la descente vers le camping du Bourg est dédiée à la technique de récupération en marche, celle-ci étant facilitée par la déclivité modérée et régulière du chemin dans le ravin de Saint Claude. Un grain arrive accompagné de bourrasques mais nous trouvons en bordure du camping un auvent avec tables de pique-nique. Pas de sieste (cela devrait faire partie de la marche afghane) et nous escaladons alors le Rocher de Neuf Heures (892 m), au sommet duquel notre formation va être parachevée. Yeux fermés, nous explorons l’univers sonore de cet endroit, depuis les bruits les plus proches jusqu’aux plus lointains en essayant de ne pas analyser leur origine, simplement de les accepter et de les recevoir. Ce scan auditif de l’Univers est effectué un long moment à l’issue duquel Pascal fait surgir une mélodie étrange d’un mystérieux instrument de musique. Les yeux maintenant ouverts, nous admirons le pays dignois, de la Barre des Dourbes à la Plaine de Marcoux et du Blayeul au plateau de Valensole.

Le dernière descente se termine à la terrasse du Bar du Midi, parachevant ainsi la synthèse alchimique d’un singulier et très apprécié week-end de randonnée !

Photographies : Th. Hedde, K. Pays, C. Thérond, L. Trotignon

Informations complémentaires transmises par Pascal Mazzani :

1: la fiche récapitulative sur tout ce que l'on a vu durant ces deux journées :

http://www.cheminsdedetente.fr/2-non-categorise/97-deroule-d-une-seance-de-marche-afghane.html

2 : la page de mon site sur les techniques de marche avec les vidéos en montée et en descente avec ou sans utilisation des bâtons. : http://www.cheminsdedetente.fr/2-non-categorise/112-les-techniques-de-marche-avec-l-ecole-de-la-marche-et-du-souffle.html

3 : la fiche spéciale marche afghane : http://www.cheminsdedetente.fr/9-randonnee/32-la-marche-afghane-definition-et-description.html

 

 

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