Carnet de route

Voyage au Montdenier

Le 31/01/2023 par Laurent TROTIGNON

Le Montdenier, dominant le plateau de Valensole et cachant aux regards le vallon où naît l’Estoublaisse est un Janus, maître du passage et des portes. Il n’aura pas fallu moins de quatre reconnaissances pour calligraphier d’un trait, en ce mois dédié au dieu étrusque des fins et des commencements, la randonnée reliant, de l’aube au crépuscule, le col de Saint Jurs aux confins de la Faye Obscure.

Ce vendredi précédant la sortie, il me faut aller voir sur le terrain si l’enneigement n’est pas trop conséquent, de nature à contrarier mon projet. Christophe m’accompagne pour cette exploration qui nous permet de valider la première partie du voyage, chevauchée de quatre heures sur l’arête. Nous croisons sur les hauteurs de nombreux chamois tandis que les vautours, à la recherche de soldes, font des allers-venues dans le ciel. Le retour au sud, par Marignol et le vallon du Colostre, permet de rejoindre la voiture au village mais ne sera pas retenu car un peu trop monotone et surtout évitant la face cachée et convoitée du Montdenier.

Dimanche : météo parfaite, lumineuse, sans vent. Eric et Cathy étant souffrants, le groupe s’est réduit de quatre à deux marcheurs, Olivier et votre serviteur. Précédant les chasseurs de peu, nous stationnons sous le col de Saint Jurs vers 1220 m d’altitude. Le soleil se lève à peine et dans l’ombre du mont, sur la piste enneigée, gelée, nous échauffons nos carcasses engourdies. Un sentier succède à la piste, sous-bois de pins noirs puis buis agglutinés, la pente s’accentue, la forêt cède la place à une steppe pentue et enneigée. Nous pensons marcher sur un glacier au milieu de la Provence alors que Valensole, inondée de lumière, s’éveille.

C’est juste avant d’arriver au sommet (1751 m) que la lumière accroche enfin nos bonnets et que nous franchissons la première porte. Peu de panoramas peuvent se comparer à celui offert par le Montdenier par un matin lumineux. Entre Sainte-Baume et Sainte-Victoire se devinent l’Olympe, le Garlaban et l’Etoile. Le Mourre Nègre est une motte à l’Ouest et le Ventoux imite de son mieux le Mont Fuji. Lure paresseusement étalée, plateau de Bure enneigé et Monges saupoudrés précèdent la muraille des Ecrins. La chaîne de la Blanche et l’Estrop masquent le Queyras et l’Ubaye mais les vigoureux sommets du Mercantour, le Pelat, l’Argentera, le Gélas et le Mont Bégo ponctuent l’horizon à l’Est. A droite du Chiran tout proche s’ouvre une échancrure vers les gorges du Verdon et la Méditerranée.

Ayant chaussé ses lunettes de soleil, Olivier me suit maintenant en direction du Sud sur le dos de la montagne. A chaque bosse franchie nous rencontrons des chamois, en général des hardes de quatre à plus de vingt bêtes, qui nous observent et s’éloignent dans le versant Est. Le parcours d’abord herbeux devient plus rocheux, de courtes et faciles escalades permettent de franchir les ressauts jusqu’à aboutir au Clot du Roi où nous progressons maintenant avec difficulté sur un lapiaz enneigé et encombré de buis. Dans les dolines enneigées se croisent des faisceaux de traces : lièvres, oiseaux, chamois et, très nettement, une belle trace de loup qui finit par se dédoubler. Le lapiaz se poursuit vers le sommet de Bouche Molle (1641 m), nous l’évitons au maximum en funambulant le fil du plateau puis plongeons vers la piste peu avant la Baisse de Montdenier.

En 5h00 nous avons fait 10 km, cet horaire est en grande partie dû au terrain piégeux, glissant, accidenté, nécessitant grande prudence pour ne pas offrir aux vautours l’occasion de goûter du randonneur. Le repas est alors pris face au lac de Sainte Croix avant de franchir une seconde porte, celle qui va nous mener vers les sources de l’Estoublaisse, sous le col des Abbesses. Soleil dans le dos, nous suivons un sentier où la neige est restée poudreuse. Les buis catapultent des perdrix aux queues rouges et peu à peu nous sommes absorbés par l’ombre de l’ubac, dans la vallée mystérieuse. Un raccourci bien camouflé sous la neige nous permet d’atteindre la piste.

L’astuce est alors de rejoindre, en franchissant l’Estoublaisse, l’adret et de rester au soleil jusqu’à l’Aco de Guichard où nous pouvons extraire une dernière tasse de sauge du thermos avant de redescendre vers la rivière, sous la pâture des Grandes Pièces. L’Estoublaisse est bien vive mais peut être franchie sur une croûte gelée entre des rochers. Le site que nous atteignons est remarquable : au Nord-Est s’ouvrent par une porte monumentale les gorges de Trévans, passage marqué d’une pointe calcaire trifide, signifiant la limite d’un territoire interdit, sans retour. Au Nord s’élargit une combe menant au Col de la Mort de l’Homme, c’est la route que nous devons suivre et la porte à franchir pour achever notre périple. Estodeu, hameau d’estive, est passé et sous le Chiran qui rosit nous arrivons au col où un trio de chasseurs se réchauffe autour d’un feu. Bredouilles, ils sont malgré tout heureux de leur journée et se révèlent, au fil d’un échange courtois, être des personnes de qualité. L’orbe du soleil s’achève bientôt, nous filons bon train vers le col de Saint Jurs et l’horizon rose. Dans une quasi obscurité, à la lueur des braises du soleil et d’une demie Lune, nous retrouvons la voiture, rassurée qu’on ne l’ait pas abandonnée.

Informations :

Durée totale : 10h (pauses comprises)

28 km et 1200 m de D+

Parcours pouvant être exposé au vent. Présence de chasseurs le dimanche.

La piste menant au Col de Saint Jurs est bonne mais demande de la prudence avec un véhicule de tourisme.

 

CLUB ALPIN FRANCAIS AIX EN PROVENCE
MAISON DES ASSOCIATIONS
1 RUE EMILE TAVAN
13100  AIX EN PROVENCE
Contactez-nous
Tél. 04 42 27 85 65
Permanences :
jeudi 19:00 - 20:00 (Permanence fermée pendant les vacances scolaires)
Agenda